Biodiversité dans l'entreprise : quelles obligations légales ?
Biodiversité dans l'entreprise :
Quelles obligations légales ?
1 - Rappels sur la biodiversité
et la législation pre-2016
La biodiversité regroupe l’ensemble des êtres vivants et leurs écosystèmes. Essentielle à nos sociétés, elle est pourtant menacée par l’urbanisation, la surexploitation des ressources, la pollution et les déchets.
Son rôle est crucial pour les entreprises et la société :
- Approvisionnement : eau potable, matériaux, ressources alimentaires et médicinales.
- Régulation : qualité de l’air et de l’eau, stockage du CO₂, protection contre les inondations, pollinisation.
- Culturel et social : paysages, tourisme, bien-être en ville.
Préserver la biodiversité, c’est protéger notre cadre de vie et garantir la pérennité des activités économiques qui en dépendent.
Depuis plusieurs décennies, la France a progressivement renforcé sa législation en faveur de la biodiversité. La loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature a marqué un tournant en reconnaissant l'importance de préserver les espèces animales et végétales, ainsi que leurs habitats. Elle a introduit des mesures telles que la protection des espèces menacées, la création de réserves naturelles et l'obligation de réaliser des études d'impact environnemental pour les projets susceptibles d'affecter le milieu naturel.
Cette dynamique s'est poursuivie avec la loi du 8 janvier 1993 sur la protection et la mise en valeur des paysages, dite "Loi Paysage". Cette législation a élargi la notion de protection en intégrant les paysages du quotidien, qu'ils soient naturels, urbains ou ruraux. Elle a introduit des outils tels que les directives paysagères, permettant de définir des orientations pour la préservation et la valorisation des structures paysagères. La loi a également instauré une concertation accrue entre l'État, les collectivités territoriales et les associations de défense de l'environnement pour une gestion harmonieuse des paysages.
Ces premières législations ont posé les bases de la protection de la biodiversité en France, renforcées par les lois et directives suivantes :
2 - Loi pour la reconquête de la biodiversité (2016)
En France, la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages impose aux entreprises de prendre en compte les impacts de leurs activités sur la biodiversité. Cette loi introduit le principe de réparation du préjudice écologique dans le Code civil, permettant de poursuivre les entreprises responsables de dommages à l'environnement. Les entreprises doivent appliquer la séquence « éviter, réduire, compenser », cherchant d'abord à éviter tout impact sur la biodiversité, puis à le réduire, et en dernier recours à le compenser par des mesures écologiques équivalentes. Cette loi de 2016 a également créé l'Agence Française pour la Biodiversité (OFB).
Nouvelles obligations légales :
- L’utilisation des insecticides néonicotinoïdes (insecticides “tueurs d’abeilles”) est interdite depuis le 1er septembre 2018.
Le délit de trafic de produits phytosanitaires en bande organisée est créé.
- Obligation des entreprises à prévenir et réparer les préjudices écologiques considérés comme étant “une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions écosystémiques ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement”. Toute atteinte à la biodiversité prévue ou prévisible doit être compensée dans le respect de leurs équivalence écologique.
- La loi renforce également, l’inventaire du patrimoine naturel. Les maitres d’ouvrages, publics ou privés doivent contribuer à cet inventaire par le versement des données brutes de biodiversité acquises durant leurs études d’évaluation ou de suivi des impacts réalisées dans le cadre des projets d’aménagement.
- Augmentation notable des sanctions pour atteinte à des espèces protégées, avec des peines de prison encourues deux fois plus longues et des amendes dix fois plus élevées.
En outre, la loi impose peu de nouvelles règlementations contraignantes pour les entreprises. Cette législation a plutôt pour vocation de sensibiliser les acteurs économiques et les inciter à adopter de meilleures pratiques. L'un des objectifs affichés est de défendre les espèces protégées dont nous voyons l'évolution préoccupante dans le schéma ci-dessous.
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3 - Stratégie Nationale Biodiversité 2030 (SNB 2030)
Adoptée en 2022, la stratégie nationale biodiversité 2030 vise à intégrer des pratiques durables dans l'économie et à renforcer la résilience des écosystèmes. Cette stratégie s'aligne sur les engagements internationaux, notamment l'accord de la COP15 à Montréal, qui vise à protéger 30 % des terres et des mers d'ici 2030. Les entreprises doivent donc intégrer la biodiversité dans leurs stratégies d'entreprise pour anticiper les réglementations futures et éviter des sanctions financières et pénales.
Les obligations pour les entreprises dans le cadre de la SNB 2030 reposent principalement sur des incitation plutôt que sur des prescriptions légalement contraignantes.
Nouvelles incitations et obligations légales :
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La SNB 2030 prévoit de soutenir les entreprises dans la mise en œuvre de mesures favorables à la biodiversité. Par exemple, la mesure 31 « Accompagner l’engagement des entreprises pour la biodiversité » vise à fournir des outils, des diagnostics et un accompagnement pour aider toutes les entreprises – y compris les PME – à mieux comprendre et réduire leurs impacts sur la biodiversité.
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Même si la SNB 2030 n’impose pas directement de sanctions en cas de non-respect, elle prépare le terrain pour une réglementation plus poussée à l’avenir. Les entreprises doivent ainsi intégrer ces enjeux dans leur modèle économique pour anticiper de futures exigences (par exemple, en matière de reporting et de gestion des risques liés à la biodiversité) et bénéficier des dispositifs d’accompagnement qui leur seront proposés.
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Les grandes entreprises, et progressivement d’autres acteurs économiques, devront publier des informations détaillées sur leurs impacts, dépendances et risques en lien avec la biodiversité. Cela s’inscrit dans le cadre de la directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) et de l’article 29 de la loi Énergie-Climat.
Pour aller plus loin :
Retranscription des travaux des groupes de travail sur la SNB 2030
Décembre 2024 : bilan des 1 an de la SNB 2030
4 - Les Objectifs de Développement Durable 2030 (ODD 2030)
Mis en place par les Nations Unies, les Objectifs de Développement Durable (ODD) pour 2030, notamment l’ODD 14 « Vie aquatique » et l’ODD 15 « Vie terrestre », incitent à la préservation et à la restauration des écosystèmes marins et terrestres, en fixant des cibles claires pour limiter la dégradation de la biodiversité.
Ces incitations se traduisent pour les entreprises par la nécessité d’intégrer dans leurs stratégies de développement des pratiques qui réduisent leurs impacts sur la nature, favorisent l’utilisation durable des ressources et stimulent l’innovation en matière de production responsable.
En adoptant des démarches de reporting extra-financier et en alignant leurs activités sur ces objectifs mondiaux, les entreprises peuvent ainsi accéder à des financements verts, renforcer leur réputation et anticiper les évolutions réglementaires, tout en contribuant activement à la transition écologique globale.
Pour aller plus loin :
Détail du plan d'action de l'ODD 14 et des actions de la France
Détail du plan d'action de l'ODD 15 et des actions de la France
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